Une critique "artistique" d'une série TV n'a peut être pas tellement de sens. L'exercice de style que constitue le tournage d'un épisode (énorme contrainte de temps, durée d'épisode totalement rigide (44 minutes ici), moyen limité (autour de 1 million de $ par épisode, avec une "star" à payer et des effets spéciaux), et l'obligation de renouveller cet exercice des dizains de fois (une saison fait plus de 20 épisodes) ne peut se comparer directement au cinéma traditionnel. C'est donc une critique (et une notation) à relativiser que je propose. Concrètement, qu'est ce qui distingue la série "Angel" des autres séries TV ?
La première chose, la plus frappante en tout cas, c'est la volonté délibérée des producteurs de vouloir prendre à contre-pied les clichés habituels du genre, y compris ce qu'ils avaient eux-mêmes établis dans leur série "fondatrice" Buffy contre les vampires. Angel qui était l'archétype du personnage romantique et mystérieux avec Buffy, reste ici un héros sombre et invincible (si ce n'est par ses propres démons), mais est maintenant régulièrement tourné en dérision. Dans chaque épisode, un soin particulier est ainsi pris à révéler les faiblesses du héros. Autre contre-pied, même dans ce pourquoi il est fait, le héros faillit. L'épisode pilote est en ce sens révélateur du ton de la saison entière. La belle jeune femme à sauver mourra alors même que le montage laisse croire jusqu'au dernier moment que notre héros va pouvoir la sauver. Et ce ne sera pas le dernier personnage "important" à mourir. L'ambiance n'est pas en reste, puisque tournant autour du sombre thème des vampires, Los Angeles, cadre vu et revu dans les autres séries TV, est montrée ici sous un nouveau "jour". En effet, la quasi totalité des scènes extérieurs sont tournées la nuit, et pas dans les quartiers les plus reluisant.
La trace centrale de la saison quand à elle, même si elle ne présente pas une grande originalité (les méchants veulent la peau d'Angel car il n'arrête pas de contrecarrer leur plan), à au moins quelques mérites : satisfaire les fans de Buffy en émaillant la saison de rencontre avec les personnages de l'autres série (définissant ainsi une sorte de méta-contexte sortant du cadre habituel d'une série isolée); mais aussi nous replonger régulièrement dans la vie passée d'Angel, afin de dévoiler un peu plus à chaque épisode d'une part le noir côté du personnage et les remords qu'il doit ainsi affronter, d'autre part les personnages mêmes qui ont fait ce qu'Angel est devenu, et, du fait de leur nature, peuvent revenir le hanter. Finalement, le thème central de la série est bien la personnalité ambivalente du personnage d'Angel, resultat de plus de 200 ans d'une "vie" mouvementée. Plus que les démons de L.A., Angel affronte en premier lieu tout au long de la saison ses propres démons, et c'est de ces doubles affrontements portant tantôt le personnage au firmament du super-héros et tantôt dans la misérable peau d'un anti-héros que nait l'intérêt de la série.
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