Adapté d’un roman de Robert Ludlum, le film est présenté comme un film d’espionnage par la jaquette sans doute pour l’histoire de manipulation qu’il propose mais c’est, avant tout, un excellent film d’action.
Déjà, ce film surprend par le choix du cadre : film américain, il se déroule en Europe et, pour l’essentiel, sur le territoire français, et même à Paris montré et utilisé de façon originale et intéressante. Il est à noter que les décors sont variés et contrastés : intérieur des chambres et des bureaux, extérieurs des villes et de la campagne.
Il offre, en outre, une organisation judicieuse du récit qui alterne soudains passages de pure violence et courts moments de répit où les deux fugitifs font le point sur leur situation et ce qui menace de les séparer.
Il confronte, par ailleurs, deux responsables cyniques et manipulateurs à Jason Bourne et sa compagne d’infortune, réunis par les circonstances mais toujours au bord de la rupture. Il traduit même, visuellement, ce contraste en opposant les lieux clos (bureaux bardés d’électronique et reliés en permanence au monde entier) et l’espace libre que les deux fugitifs parcourent pour résoudre le mystère.
Et, précisément, il propose un traitement fouillé du thème de la recherche de son identité véritable par le héros. En effet, Jason Bourne conditionné pour être une machine à tuer se révèle progressivement, à l’inverse, comme un être altruiste, généreux et humain. Autrement dit, la séquence initiale de l’immersion dans la mer (sorte, ici, de liquide amniotique) symbolise une nouvelle naissance et s’apparente à un second lavage de cerveau –le premier a fait de lui une machine à tuer- qui va lui permettre de retrouver sa véritable identité. L’amnésie apparaît dès lors comme le prétexte d’une reconquête de soi et d’une réappropriation de sa personnalité oubliée, enfouie, dans son passé de tueur.
Le propos du film est d’une grande cohérence : le projet de la CIA (fabriquer des tueurs sans âme, ni foi ni loi) a échoué en raison d’une croyance erronée selon laquelle on peut faire disparaître la sensibilité d’un être. Et c’est replacé précisément dans les conditions mêmes de son échec (présence imprévue d’enfants), que Jason Bourne retrouve brusquement la mémoire. Le réalisateur justifie ainsi pleinement ce retour à la conscience de soi chez son personnage qui est bien loin d’être un artifice de récit. Matt Damon, parfait dans le rôle, apporte justement à son personnage une dimension humaine qui contraste avec les réflexes de tueur qui lui ont été inculqués, créant ainsi un héros ambivalent tout à fait original au cinéma. De son côté, Franka Potente, avec son physique banal mais séduisant, contribue à rendre crédible la normalité et l’existence du couple.
Doug Liman signe un film qui est une excellente surprise et l’on souhaiterait suivre de nouvelles aventures puisqu’il existe trois romans ! On ne manquera pas de noter l’excellence de la course poursuite de voitures (en Mini Cooper !) dans Paris qui, sans avoir les moyens de celle de « Ronin », est un modèle du genre.
Pour dire un dernier mot avant de quitter à regret le film, il faut bien évoquer une dernière séquence qui propose une fin heureuse en accord avec nos désirs de spectateur car elle se justifie par la signification même du film en renvoyant à la séquence initiale : l’individu inanimé et amnésique flottant sur une mer marseillaise nocturne du début du film est devenu, à la fin, ce personnage reconstruit, qui se souvient de celle qui l’a aidé et s’approche -toujours à proximité d’une mer, grecque celle-ci (à Mykonos)-, mais cette fois il est en pleine lumière, pour conquérir, après un beau voyage vers lui-même, tel le Jason grec de l’Antiquité, la Tunique d’or (Mary) qui n’espérait pas le revoir. Entre-temps, le film s’est déroulé pendant deux heures pour notre plus grand plaisir !
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