Sur le quai d’une gare, un homme d’une trentaine d’années, pensif, se souvient…
Elevé par son père fermier dans l’amour du base-ball, il est devenu, une fois adolescent, un espoir confirmé et a été appelé par un grand club. Mais dans le train qui le conduisait à Chicago, il rencontrait une femme mystérieuse. Un « accident » imprévu va briser net ses projets.
Quinze ans plus tard, lui sera-il encore possible de réaliser ses rêves ?
Ce film ne cesse d’étonner et de fasciner par l’extrême richesse de son contenu et son apparence de conte de fée : à travers le destin d’un sportif, il dresse un tableau saisissant de la société américaine et de ses valeurs.
Ce film est, bien sûr, un hymne au base-ball et à sa place, quasi sacrée, dans la culture américaine. On a droit d’ailleurs à la cérémonie « religieuse » de chaque rencontre (joueurs au garde-à-vous, spectateurs debout chantant en chœur, rituels précédant la rencontre scrupuleusement observés).
Mais le sport n’est, dans le film, qu’un prétexte à analyser une société et un pays. Barry Levinson, fort habilement, dessine les rapports entre le sport et l’argent, ce qui lui permet de dénoncer, en un tableau cru, une certaine société : tout joueur est entouré d’un milieu intéressé par les affaires (financiers malhonnêtes, parieurs en tous genres, journalistes sportifs véreux, etc.) et susceptible de truquer les résultats lorsque des sommes importantes sont en jeu. Cet univers trouble, voire gangrené, se niche au cœur des villes et représente un monde moderne citadin, qui fonctionne comme un miroir aux alouettes (argent facile, sexe-tentation, corruption généralisée) qui détruit ceux qui se laissent attirer. Mais cette présentation négative se complète d’une autre vision : le film fait, en contrepoint, l’éloge d’une autre Amérique. Celle des campagnes, que le réalisateur dépeint comme idyllique et associe aux images de la nature (cf. le titre original « The Natural »), ancrée dans la tradition et les valeurs durables de la famille et du bonheur.
Ce sont ces valeurs « sacrées » qui vont inspirer Roy Hobbes dans sa volonté de réussir. Le film multiplie alors les signes « magiques » qui se répondent les uns aux autres : batte de Roy Hobbes sculptée dans l’arbre centenaire de la ferme et sous lequel a péri son père ; coup extraordinaire qu’il réussit un soir d’orage et qui rappelle l’arbre foudroyé de la ferme, etc. Cette symbolique se vérifie aussi lorsque, au cours d’une rencontre, la balle va fracasser l’horloge du stade suggérant ainsi que le temps perdu peut, d’une certaine façon, se rattraper. Et cette séquence prélude, précisément, au retour d’une personne, Iris (Glenn Close), qui fait partie de l'enfance de Roy. Le réalisateur marque ainsi, visuellement, le lien qui court entre passé et présent, parents et enfants, tradition et fidélité et qui, d’une génération à l’autre, de l’enfance à la maturité, assure la stabilité d’une personnalité, la permanence d’une culture et, plus généralement, la survie d’une nation.
D’ailleurs, la séquence finale reprend, point par point, une séquence du début du film, à une différence près, et nous confirme ainsi le sens profond du film.
On ne peut passer sous silence le traitement très travaillé de la photographie dans le film qui nimbe de lumière les personnages positifs (Roy Hobbes, Iris, Pop) alors que les personnages néfastes sont toujours montrés dans l'ombre (le parieur) ou habillés de noir (la femme en noir, Memo Paris). Elle est étroitement liée au sens du film.
Il en est de même pour la musique de Randy Newman qui illustre à merveille les moments de doute du personnage mais, surtout, par le thème musical de l’exploit (repris ironiquement dans « Predator »), véritable leit-motiv, ponctue chaque étape d’un chemin de la vie qui nous conduit – éblouis par un film, commercial certes, mais profondément sensible et attachant – vers un monde idéal où chacun trouve la place qu’il mérite.
Le cinéma est fait pour offrir du rêve et de la féerie, n’est-ce pas ? Et ce film en est l’illustration.
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