Le film s’ouvre sur un plan qui montre une étendue de blés. Une jeune femme entre dans le champ de la caméra, bientôt suivie d’un jeune homme qui la rattrape et l’enlace. La seconde séquence montre une réunion familiale et amicale autour d'un barbecu, parmi lesquels on retrouve les deux jeunes gens. Ce tableau d’apparence idyllique ne va pourtant pas sans fausses notes. La jeune femme, qui a plusieurs enfants, est en instance de divorce, le jeune homme est plus jeune qu’elle et, surtout, l’époux délaissé semble déterminé à faire valoir ses droits. Peu à peu, le réalisateur conduit ses personnages vers le drame inéluctable.
Ce film se déroule au cœur d’une petite ville de pêcheurs du Maine, dans un milieu aisé. Todd Field en dresse un portrait chaleureux : personnages plutôt âgés (ils sont parents de grands enfants, voire grands-parents), bien installés dans la vie, à l’abri de tout souci matériel, profitant tranquillement de la vie, partagés entre leurs occupations professionnelles, leurs amis et leurs loisirs. Cette description occupe, avec la mise en place de la tragédie, le premier tiers du film. Les deux tiers suivants s’attachent aux répercussions du drame sur ce milieu protégé.
Le réalisateur adopte un style qui vise à restituer l’atmosphère si particulière de ce cercle fermé qui se connaît si bien et depuis si longtemps. Sa caméra, toute en retenue, filme les personnages comme à distance, respecte leur pudeur, alterne les scènes où ils sont présents et de fréquents plans de la ville, des habitations, du port, comme pour relier les personnages au décor dans lequel ils vivent et qui les explique. Les silences s’installent entre les habitants, les dialogues tournent court, les gestes et les attitudes restent toujours mesurés.
Le film tout entier est en demi-teinte pour mieux exprimer un mal-être intériorisé. Les couleurs vives et chaleureuses du temps du bonheur (début du film) se transforment en couleurs pastel - gris, beiges, verts – après la tragédie. Les acteurs sont à l’unisson, tout en pudeur frémissant.
Un film grave, lent – trop lent, penseront certains – qui s’étale comme le malheur et semble se figer sous la chape de plomb du sentiment de culpabilité des personnages, avant de s’écouler enfin lorsque leur sens de la justice est satisfait.
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