Un enquêteur privé, François Maniéri (Thierry Lhermitte), est chargé par son agence de retrouver une jeune femme, Rachel Spirien (Marion Cotillard), disparue depuis six mois.
Ce point de départ, ô combien classique, pouvait ne déboucher que sur un film aussi classique que banal. Or, il n’en est rien et l’enquête se suit toujours avec intérêt. C’est que la réalisation de Guillaume Nicloux (« Le Poulpe ») fait la différence.
D’emblée, sur un air de jazz au tempo rapide, des couleurs très contrastées, tour à tour très pâles et très sombres, accrochent le regard cependant qu’une caméra très mobile nous entraîne dans le sillage d’une filature de proximité. Un effet semblable se retrouve lors d’un repas insipide entre amis lorsque la caméra se met à tournoyer autour de la table tandis que jazz syncopé et échanges de paroles s’emmêlent en une scène très réussie. On ajoutera une musique lancinante qui joue sur le grave, en vibration fréquente. Et de brefs dialogues échangés souvent comme des coups de poing.
On apprend progressivement que François Maniéri est divorcé de sa femme qui lui manque et séparé de son fils, et l’on découvre le vide d’une vie qui tourne en rond entre purs désirs sexuels, jeux d’argent, métier peu gratifiant et nihilisme. Cet univers dérisoire se reflète dans un traitement de la couleur qui privilégie le glauque et un décor de vie souvent sombre.
C’est que le film – et c’est son originalité – affiche clairement tout le paradoxe de la situation : comment cet enquêteur pourrait-il rechercher et trouver Rachel alors qu’il s’est lui-même perdu de vue depuis longtemps ? F. Maniéri se révèle d’ailleurs comme un privé bien peu reluisant : sous tension permanente (il fume cigarette sur cigarette) ; sans argent (il est accablé de dettes de jeu qu’il ne peut rembourser) ; sans instinct de défense (il est attaqué et blessé sans pouvoir riposter) ; sans relations autres que sexuelles ou professionnelles. Et lorsqu’il entend se venger, il ne sait que donner des coups de pied dans la voiture du responsable de son agression ! Bref, François n’a rien d’un héros. Il est dans une situation de mal-être et d’échec que matérialise son vain désir de reconquérir son ex-femme.
D’autant plus que son enquête multiplie les pistes qui s’avèrent fausses les unes après les autres comme si elles ne servaient qu’à organiser le portrait d’un « privé » - au sens étymologique – très « dépourvu » et « frustré » !
La fin inattendue, par sa rapidité et sa brièveté, laisse François (sans doute aussi désarmé que le spectateur) sur le constat d’un double échec : il n’a pas « retrouvé » Rachel grâce à sa seule enquête et il ne s’est pas non plus « retrouvé » lui-même.
Il faut saluer le nombre et l’excellence des seconds rôles : Robert Hirsch, Aurore Clément, Darroussin, Niels Arestrup, etc. Ah, j’allais oublier ! On a droit à un Thierry Lhermitte qui montre (brièvement) son sexe et à une Marion Cotillard qui révèle (plus longuement) son entre-jambe. Faire l'acteur, c’est parfois difficile... !
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