Dans un Minnesota recouvert d’une neige-symbole (de la difficulté des personnages à communiquer entre eux), Joel Cohen construit un escalier de l’horreur tragi-comique dont chaque marche mène inévitablement les protagonistes vers un sommet dramatique.
Tragique, d’abord, rendu par l’inoubliable musique de Carter Burwell (et notamment du thème musical intitulé « North Dakota ») qui illustre à merveille l’engrenage funeste des événements et suggère, en contrepoint des fréquents plans de paysages enneigés, toute la vacuité de la vie et la grande solitude des personnages. Les personnages, précisément, hommes et femmes simples, voire primaires, suscitent à la fois compassion (pour Jean et Jerry dans ses vains efforts pathétiques pour trouver une issue), répulsion (pour Carl et, surtout, Gaear, personnage mi-animal mi-humain) et tendresse amusée (pour la policière Marge Gunderson, interprétée par Frances MCDormand, et son mari).
Comique, aussi, grâce au second degré de l’humour noir qui affleure tout au long du film, notamment dans les séquences qui montrent un Gaear stupéfiant d’inhumanité, ou encore lors des scènes d’intimité entre Marge et son mari, placées sous le signe d’une vie heureuse mais étriquée, d’une existence paisible mais professionnellement rigoureuse.
Bref, ils mènent tous deux la vie que Jerry Lundegaard, pour son malheur et celui de sa famille, n’a pas su accepter. Faut-il voir dans le film un propos plutôt cynique – qui semble un avatar obligé d’un second degré toujours sous-jacent – selon lequel il faut savoir rester à sa place, ne faire que ce pour quoi on est fait et accepter sa condition, alors que l’illégalité semble réservée aux plus malins (le beau-père et son associé) ? Les destins contraires entre les personnages qui ont réussi leur vie (Marge et son mari) et ceux qui ont échoué (Jerry) - alors qu’ils sont issus du même milieu - sembleraient le prouver...
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