Ce film mythique de Billy Wilder (1950) est la charge la plus corrosive que l’on ait jamais livrée contre le Hollywood du cinéma, cette « fabrique à rêves ». Film source qui inspira « Mulholland drive » à David Lynch (il est à noter que le patronyme Gordon Cole donné par Lynch à l’enquêteur du FBI de son film « Twin Peaks » figure au générique du film de Wilder) « Boulevard du crépuscule » dénonce tour à tour la mythomanie et les caprices des vedettes consacrées, l’ingratitude et la cruauté des studios à leur égard et la versatilité du public.
Mythomanie et caprices définissent en effet l’univers de Norma Desmond, l’idole déchue du cinéma muet. Recluse dans sa somptueuse demeure – reflet de son narcissisme et de ses extravagances -, enfermée dans ses souvenirs, vieillissante, elle ne vit plus que par son passé glorieux, confond illusions et réalité, et finit par se laisser aller au mirage d’une idylle impossible avec un jeune scénariste Joe Gillis (William Holden) avant tout soucieux de confort matériel, arriviste prêt à jouer les gigolos.
Ingratitude des studios qui ont abandonné cette Norma Desmond qui fut pourtant leur figure de proue et leur rapporta, par le succès de ses films, tant de bénéfices. Cruauté terrible des studios que Billy Wilder rend concrète en n’hésitant pas à utiliser, dans leur propre rôle, des célébrités du cinéma démodées, voire à demi-oubliées (« has been » disent crûment les Américains), au moment du tournage de son film, qu’il s’agisse précisément de Gloria Swanson, ancienne idole du cinéma muet, jouant son propre personnage sous le nom de Norma Desmond ; de Eric Von Stroheim célèbre cinéaste en disgrâce interprétant dans le film Max, l’ex-réalisateur des films de Norma Desmond, devenu son chauffeur ; ou encore de Cécil De Mille, cinéaste mythique, dans son propre rôle de Cécil De Mille !
Quant à la versatilité du public, elle consiste moins dans son oubli de ses anciennes idoles que dans sa passivité à ne pas vouloir pérenniser leur gloire, comme le montre le – bref – retour final de Norma Desmond sur le plateau du tournage d’un film. Cette versatilité fait d’ailleurs écho à celle de Hollywood pour qui tout est éphémère et passager dans un univers fondé sur la seule utilisation mercantile des talents, tout film étant considéré, d’abord, comme un produit qui peut rapporter de l’argent.
Ce film d’une grande lucidité et terriblement cruel porte un regard décapant sur un monde du cinéma qui invite trop souvent à confondre apparence et réalité.
|