Et si ce film était le plus intéressant de l'année 2002 ? Et si sous ces allures de clown un rien insipide, Robin williams était capable de donner le meilleur ? Et si Mark Romanek faisait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs surdoués (remember David Fincher / Darren Aronofsky / David O Russel...)? Toutes les réponses ne sont pas dans le film mais ce qui est sûr, c'est que Photo Obsession vaut bien mieux que son titre de téléfilm de série B Hollywood night.
Aux antipodes du mauvais thriller que les petits malins du marketing ont voulu nous vendre, Photo Obsession, non content d'être un film envoûtant et remarquablement subtil, se distingue par des qualités de mise en scène et d'interprétation suffisamment exceptionnelles pour que l'on s'y attarde sérieusement. Robin williams campe Sy, un personnage dont la solitude compulsive engendre un comportement voyeuriste vis à vis de ses contemporains. Ca tombe plutôt bien puisque que ce dernier développe des photos dans une grande surface et peut donc vivre sa vie par procuration uniquement par l'imagination en se projettant dans l'existence de tous ces clients aux visages inscrits sur les clichés. Parmi ces images favorites, celle d'une famille dans laquelle ce personnage se projette afin de trouver réconfort et paix. Toutefois, un évènement malheureux va briser ce cycle et entrainer Sy vers des zones plus sombres : dans une spirale de folie où rêve et réalité, fantasmes et désirs vont se méler tragiquement. Romaneck suit admirablement son personnage (Williams, présent à tous les plans) dans une chute d'autant plus éprouvante que Sy ne nous apparait pas comme fou mais simplement malade de solitude. Il décrit avec une réelle virtuosité un univers désespérement clos, lisse et inhumain à l'image de williams traversant inlassablement les interminables rayons de son supermarché aux couleurs froides et glaçantes. Chaque plan donne l'impression d'être soigneusement construit et le montage qui évite les effets faciles réservent quelques surprises lors desquelles les fantasmes de Sy font une brusques irruption dans la "réalité". On retiendra une séquence onirique muette très traumatisante. Mention spéciale également pour l'exceptionelle musique qui rappelle d'ailleurs le travail de Clint Mansel sur Requiem for a dream. Vous l'aurez compris donc, Photo Obsession est un film à ne pas manquer. Un film américain qui parle de la folie ordinaire d'un personnage si banal qu'il pourrait être notre voisin. C'est ça la grande force du film de Romaneck : la stupéfiante proximité que l'on développe avec le personnage, loin, très loin des caricatures fatiguantes des blockbusters Hollywoodiens.
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