Avant même d’analyser ce film de science-fiction de 1951 dû à Robert Wise, il faut préciser combien il influença toute une génération de cinéastes de talent. Que ce soit George Lucas qui dans sa trilogie de « La guerre des étoiles » (1977) utilise trois des noms de personnages du film de Wise (Klaatu, Baradu et Niko) ; ou Steven Spielberg dont le « E. T. » (1982) reprend le discours humaniste ; ou encore John Carpenter qui utilise le même schéma narratif avec « Starman » (1985) –cf. l’analyse sur DVDPC- et délivre un message identique.
« Le jour où la Terre s’arrêta » frappa les esprits car il utilise le genre de la science-fiction pour traiter du contexte socio-politique de l’époque. Contexte historique, d’abord, avec la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS sur fond d’utilisation des armes nucléaires. Contexte social, ensuite, puisque l’Amérique connaît alors la chasse aux sorcières dirigée par le sénateur MacCarthy qui traque tous ceux qui sont soupçonnés d’être communistes ou sympathisants. Or, le film imagine un extra-terrestre, Klaatu (Michael Rennie), qui atterrit à bord de sa soucoupe et entend convaincre les hommes des dangers de l’utilisation des armes atomiques. Ce message pacifiste est mal perçu par les militaristes en tous genres qui vont s’ingénier à le combattre.
Le premier intérêt du film est de montrer un extra-terrestre au visage absolument impassible, hermétique à toute émotion, voire indifférent (sinon à la fin du film…) - comme s’il incarnait la Raison même, pure et froide, débarrassée de toute affectivité - et de l’opposer aux réactions humaines, souvent irrationnelles, toujours entachées de mouvements passionnels (préjugés, méfiance, agressivité, égoïsme, etc.) qui finissent par altérer le jugement. De ce contraste entre Klaatu et les Terriens naît, chez le spectateur, le sentiment que rien ne sera simple : le film ménage ainsi un suspens d’une rare intensité car il vise à nous faire nous interroger sur nous-même et à remettre en question notre prétendue capacité à dominer nos passions.
Un second intérêt du film est de présenter Klaatu comme une sorte d’ « Elu » de l’Univers dont la venue sur la Terre a pour but d’orienter vers le Bien une Humanité incapable d’Amour, de Raison et de Justice. Bref, le spectateur ne s’empêcher de faire le rapprochement évident avec le Christ et de se demander – autre ressort du suspens – si le destin de Klaatu sera identique ou si sa mission réussira.
Les deux premiers centres d’intérêt se combinent, enfin, pour faire de « Le Jour où la Terre s’arrêta » un film de science-fiction peu ordinaire dans la mesure où il alterne – en une combinaison judicieuse – les codes du genre (trucages et effets, même peu nombreux, qui « dépaysent et évadent » le spectateur vers un futur qui est aussi le présent, et un réalisme cru qui fait froid dans le dos et pousse à la réflexion personnelle : sommes-nous capables de raison ? Si le Christ revenait, serait-il de nouveau crucifié ? L’humanité a-t-elle un avenir ?
Si l’on ajoute que la réalisation est à la fois sobre et efficace (à deux reprises, une succession rapide de plans brefs suffit à montrer l’enchaînement brutal de conséquences dramatiques), on comprend aisément que ce film estimable est à découvrir et à apprécier malgré son grand âge !
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