Jacques Deray tourne ce film en 1968 en pleine « affaire Markovic » pour laquelle Delon est entendu. D’autre part, il réunit ce dernier et Romy Schneider qui ont entretenu une longue liaison avant de se séparer. C’est dire si le tournage du film a entretenu la curiosité de la presse à scandale en jouant - sans que cela soit bien sûr voulu - sur une évidente confusion entre les acteurs et les personnages qu’ils incarnaient.
Au final, pourtant, « La Piscine » est l’un des meilleurs Deray et a connu un grand succès populaire. Il faut dire que le film multiplie, a priori, les atouts. En premier lieu, le monde dépeint est celui de la faune tropézienne alors à son plus haut degré de célébrité, mélange hétéroclite de vedettes, de gens fortunés et de parasites. S’ajoute également un cadre géographique propre à faire rêver : une luxueuse villa avec piscine dominant le golfe de Saint-Tropez. Ce décor enviable est, d’autre part, habité par des acteurs choisis pour leur beauté ou leur séduction (Romy Schneider, Jane Birkin à ses débuts, Maurice Ronet et Alain Delon). Enfin, le drame se déroule dans un temps resserré. Bref, Deray associe fort habilement huis clos étouffant (l’essentiel du film se déroule autour de la piscine et de la villa sous une chaleur accablante) et tension dramatique en contractant l’action sur quelques jours et nuits et en mettant en scène un quatuor de personnages complexes liés – ou séparés - par le sexe et l’argent et agités de pulsions contradictoires (amour ou amitié, estime ou jalousie) nées d’un passé commun mal assumé, en porte-à-faux avec le présent.
L’intrusion de Harry (Maurice Ronet) et de sa fille Pénélope (Jane Birkin) dans l’intimité du couple formé par Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) va troubler la surface paisible des apparences et faire surgir les rancoeurs.
Tout l’art du réalisateur est d’installer le malaise et, dans un premier temps, de mettre en place les signes parallèles – mais factices et illusoires – d’un univers luxueux et d’un bonheur amoureux et complices à deux entre Marianne et Jean-Paul. Puis d’organiser une savante montée de la tension dramatique par un double face-à-face psychologique (Harry et Jean-Paul, d’un côté ; adultes et adolescente, de l’autre) renforcé par le jeu subtil des sentiments croisés du trio (Marianne prise au piège entre son passé avec Harry et son présent avec Jean-Paul). Enfin, de faire éclater brusquement, au paroxysme de la tension, la cruauté implacable du drame d’une façon tout à fait inattendue.
Le long dénouement qui s’ensuit – en forme d’enquête policière soupçonneuse et inquiétante – sert à fouiller encore davantage la dimension psychologique des personnages et à mesurer toute l’ambiguïté humaine. La réalisation précise de Jacques Deray excelle à traquer les signes extérieurs des sentiments au travers de regards saisis au plus près, de gestes simplement ébauchés, de non-dits révélateurs ou de silences éloquents.
Delon trouve là l’un de ses meilleurs rôles : personnage qui vit dans un monde où l’argent est tout alors qu’il n’est riche que d’ambitions déçues, il se montre excellent en être fragile et vulnérable, humilié et jaloux. Les autres acteurs sont au diapason : beauté épanouie d’une Romy Schneider, cynisme séducteur d’un Maurice Ronet, naturel rafraîchissant d’une Jane Birkin.
Un film qu’il faut avoir vu.
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