Réalisé en 1958 par HOWARD Hawks à la grande époque du western, « Rio Bravo » est, bien sûr, un film d’action mais son originalité tient dans une intrigue et un décor minimalistes (dans une ville, un sheriff est menacé par un gang qui veut faire libérer l’un des siens emprisonné) et dans la part belle qui est faite aux personnages, de chair et de sang, éloignés de l’image traditionnelle des héros de la conquête de l’Ouest.
On pourrait dire que le film s’organise autour de deux figures géométriques : le cercle et la verticale. La figure circulaire s’impose en effet : l’action se déroule dans la petite ville de Rio Bravo aux limites bien précises (premier cercle principal) qui définissent un huis clos à venir. A l’intérieur de la ville, l’espace se resserre très vite autour de la prison (point central du second cercle) où sont enfermés le prisonnier, le sheriff et ses hommes. La situation est remarquablement paradoxale : Nathan Burdette est prisonnier du sheriff qui est lui-même encerclé par la bande de Joe Burdette. On retrouve bien l’image des deux cercles concentriques (on peut même ajouter les deux variantes de la prison : le saloon et l’hôtel). Cet « encerclement » des héros, sur lesquels plane la mort (cf. l’aria à la mort du siège d’Alamo, le De guello, que fait jouer Joe Burdette et qui signifie, sorte de pré- requiem, qu’il les considère comme morts), contribue à l’atmosphère confinée, pesante et étouffante du film. Pourtant, Hawks ménage un espace de respiration : la rue principale « rectiligne » qui traverse et relie les cercles entre eux et favorise les possibilités d’action.
Mais c’est, surtout, la ligne verticale qui définit le mieux le film comme l’illustre l’exemple suivant. Le film s’ouvre sur Rio Bravo de nuit que le saloon éclaire de ses lumières jaunes. Le regard caméra fixe le bas de la porte de l’établissement et une paire de bottes. Hésitation. Puis, le plan suivant montre l’homme aux bottes entrer dans le saloon. La caméra filme ensuite l’homme en entier : c’est Dude (Dean Martin), alcoolique, qui accepte de ramasser un dollar jeté dans un crachoir pour acheter de quoi boire. Un nouveau plan ramène notre regard à ras de terre sur le crachoir, les jambes et le plancher. Dude est donc associé, dès le préambule, à l’horizontalité. A la fin du film, en revanche, il est filmé debout et sobre, signe de sa dignité retrouvée et de son « ascension » morale : de l’agenouillement humiliant au sol à la fière position debout, tout le sens du film tient dans cette verticalité qui symbolise la volonté, le courage et la rigueur morale.
C’est que le film s’attache à montrer des personnages. La preuve en est que Hawks efface quasiment de la ville – réduite à un simple schéma géométrique, à un pur décor – les habitants et tout ce qui évoque l’activité citadine pour éviter de distraire les spectateurs et consacre son film à la psychologie et aux rapports des cinq hommes et de la femme sur qui reposent toute l’action de « Rio Bravo ». Et ces personnages sont positifs et ne transigent pas sur les notions de justice, de dignité et de solidarité. Dude n’a pu être sauvé de la déchéance que par la présence active du sheriff John T. Chance (John Wayne) à l’assurance tranquille, aidé de Stumpy poussé par un sentiment de revanche rageur et de Colorado (Ricky Nelson) tireur d’élite et désinvolte, et entouré de deux femmes, aux destins contraires, dont l’une, Feathers (Angie Dickinson) arrive et entend se fixer durablement quand l’autre, Consuela, est contrainte de quitter la ville.
Un classique du western dont il faut souligner également tout l’humour, le charme et le talent du réalisateur (cf. le plan très technique de la goutte de sang dans le verre).
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