Il faut signaler, en préambule, que la version proposée par le DVD est amputée d’un bon quart d’heure par rapport à la version sortie en salles en France en 1972.
Second volet d’un triptyque commencé avec « Il était une fois dans l’Ouest » (1969) et achevé avec ce qui est sans doute son chef-d’œuvre, « Il était une fois en Amérique » (1984 ), ce film montre un Sergio Leone qui s’intéresse, une nouvelle fois, dans « Il était une fois la Révolution » (1972) à l’Amérique, mais, plus précisément, à la révolution mexicaine.
Dès la phrase de Mao qui s’inscrit dans le pré-générique (« Acte de violence fait dans l’esprit du peuple »), on comprend qu’après avoir porté un regard sans concession sur le western avec le premier film, il remet ici en question l’idée de révolution. En effet, l’Irlandais naïf et déphasé, Sean Mallory (James Coburn) voit son existence sans cesse déçue et symbolise, plus généralement, l’image même de l’être humain souvent dupé, toujours perdant, qui, en définitive, n’est qu’un figurant de l’Histoire.
Une Histoire qui fait référence à celle de l’Italie (cf. les morts dans les grottes et les exécutions dans les fossés de la gare silencieusement filmés puis soulignés par une tragique musique d’opéra qui évoquent sans nul doute le massacre des Fosses ardéatines en 1944). Une Histoire, surtout, qui est celle de l’Amérique avec le western dont Leone, une nouvelle fois, dénonce la mythologie irréaliste « propre » en proposant, à l’inverse, un univers de mouches, de saleté et de repas ingurgités trivialement. On ne peut manquer d’être, d’ailleurs, frappé par une multiplication des figures opposées – et complémentaires – de l’ingestion et de l’excrétion : la boisson devient urine projetée sur les fourmis ; la femme violée est ensuite jetée dans la fosse à purin ; le secret « enfoui » du Docteur est révélé, donc « expulsé » (trahison). Une métaphore de la vie même dont Leone nous rappelle qu’elle est fondée sur la transformation de la matière (ou des idées) ingurgitée, digérée et expulsée avant qu’une autre matière (ou idée), à son tour, ne subisse le même traitement. Ainsi va la vie – et la Révolution… Le film montre en outre une Amérique tournée vers l’argent (la mine d’or qui obsède Juan Miranda) prête à sacrifier ses enfants (ceux de Miranda, qu’il n’avait même pas comptés, peuvent représenter les soldats des années 1970 sacrifiés au Vietnam).
Démystifiant l’Histoire, la Révolution, les intellectuels et les beaux sentiments, Leone organise une mise en scène violente en multipliant les très gros plans qui succèdent brutalement à des plans très larges comme autant de coups de poing et en insistant sur la confusion généralisée pour mieux dénoncer : « Qui dit Révolution dit confusion », entend-on dans le film… Un film pessimiste.
Il faut insister sur la prestation des deux acteurs principaux, James Coburn et Rod Steiger, véritables moteurs d’un film auquel ils donnent toute sa démesure et sa truculence. Le mois de septembre nous offrira les deux autres volets manquants du triptyque : « Il était une fois dans l’Ouest » et « Il était une fois en Amérique ». Vivement la Rentrée !
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