Cédric Klapisch propose un film noir parfaitement bien réalisé à partir d’un point de départ suffisamment attractif (gagner beaucoup d’argent de façon à profiter des plaisirs de la vie) auquel chacun des spectateurs souscrira bien volontiers. La fantaisie n’est pas pour autant absente si l’on y voit aussi l’application du principe de l’arroseur arrosé.
On retrouve quelques archétypes du film noir : monde interlope des nuits parisiennes ; acteurs dotés d’une « gueule » et d’une belle présence (Vincent Elbaz, Zinedine Soualem, Simon Abkaian) ; scénario bien charpenté qui multiplie les effets (la plan dessiné sur la table du restaurant à l’aide des tubes de ketchup, de mayonnaise, etc.) et les surprises (les voyous ont une activité professionnelle, etc.) selon une structure rigoureuse : un préambule et un épilogue encadrent un retour en arrière qui constitue le film organisé en trois parties : une exposition originale (ou comment une jeune femme cameraman, Cathy - Marie Gillain -, reçoit une proposition surprenante) ; une partie centrale d’évasion sur la Côte d’azur (ou comment bien profiter de la vie) ; une dernière partie à Paris (ou comment réaliser le braquage « définitif »).
Les personnages sont bien ancrés dans un milieu social observé avec justesse, notamment pour ce qui est du professeur de danse ou du propriétaire du restaurant. Les caractères des uns et des autres, hors de toute caricature, sont finement dessinés : les quatre malfrats, au-delà de leurs affinités évidentes et souvent rappelées, ne s’accordent pourtant pas toujours, ce qui donne au film un réalisme certain. Surtout, une femme introduit dans leur univers machiste de pieds nickelés une dissonance qui enrichit cette galerie de portraits plutôt réussie.
Le récit suit un rythme qui alterne action et violence entrecoupées de plages de répit. Mais les séquences de détente se retrouvent aussitôt gangrenées par la tension, de sorte que le rythme du film ne faiblit pas. Comme dans tout film noir, klapisch donne à voir le comportement de bêtes sauvages de ses personnages qui affichent volontiers leur mépris de la femme considérée comme un simple objet à consommer et qui pratique facilement la barbarie (Cf. le passant agressé et roué de coups pour avoir osé demander l’heure à Cathy qui les accompagne). De son côté, Cathy, qui opte pour la voie du Mal et se transforme sous nos yeux, se retrouve séparée de la bande et le dernier plan du film montre son regard qui fixe la caméra, c’est-à-dire le spectateur, comme pour nous interroger sur le chemin qu’elle a choisi.
Si l’on met en parallèle les deux séquences de début et de fin, on s’aperçoit que Jean le professionnel aguerri se retrouve la tête plaquée au sol alors que Cathy la néophyte a la tête dans le ciel (Cf. son appartement juché en hauteur). Bref, l’un est descendu aux enfers de la prison qui l’attend quand l’autre est monté au 7° ciel du bonheur. Klapisch donnerait-il une leçon de cynisme (Cf. le plan final du regard semblant nous dire qu’elle a eu raison de choisir cette voie) ? Ce n’est sans doute là qu’apparence, car le prix à payer est évident. Cet appartement – simplement meublé d’un divan rouge dont la couleur symbolise le meurtre nécessaire pour prendre l’argent - qui symbolise sa réussite est vide, comme l’est Cathy, dépouillée de son innocence et de ses illusions.
Reste le titre, énigmatique. « Ni pour ni contre » ; mais à propos de quoi, au juste ?!
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