Une fois de plus, Jean Becker (« les Enfants du marais »,1998 et « Un crime paradis », 2000) se tourne vers la France rurale qu’il affectionne et la saisit à travers deux périodes charnières : 1944 et la fin de l’occupation allemande ; 1958 et la fin de la France traditionnelle. Il montre deux personnages, Jacques et André, qui, poussés par leur amour pour Louise, entendent montrer leur courage et décident de commettre un attentat conte les occupants allemands sans réfléchir aux représailles tragiques qui peuvent être déclenchées …
Ce nouveau film de Jean Becker s’appuie sur un court roman éponyme de Michel Quint. Le titre, énigmatique, fait référence à un poème de Guillaume Apollinaire («Les grenadines repentantes ») :
« […] et que la grenade est touchante
Dans nos effroyables jardins. »
Les mots de ces deux vers peuvent avoir pour l’écrivain un double sens : la grenade évoque le fruit dans le verger mais elle peut se comprendre comme l’arme offensive employé dans le pays (le jardin = la France), puisque c’est bien de l’occupation de la France par les armées allemandes en 1940 dont il s’agit ; ce qui permet au réalisateur de montrer des gens ordinaires d’une petite ville de province pris dans un engrenage infernal qui les dépasse.
Pourtant le film commence en 1958 (Dyna Panhard jaune vif, chanson « Brigitte Bardot » de Dario Moreno, etc.) dans un petit village du sud-ouest savoureusement mis en place. Mais un rapide retour en arrière en 1944 constitue l’essentiel du film. En effet, Jacques (Jacques Villeret) et André (André Dussolier), amis et complices, unis également par leur amour secret pour Louise (Isabelle candelier) pour les beaux de laquelle ils décident d’accomplir un acte de bravoure - s’attaquer à l’occupant allemand.
Le film passe sans cesse de la comédie au drame à travers la tragédie qui se noue et pousse les personnages à aller jusqu’au bout d’eux-mêmes. Pour résoudre le dilemme qui leur est posé, ils doivent choisir entre la vanité, la puérilité, la lâcheté, le courage et le sens du sacrifice. Le réalisateur, loin de tout manichéisme, sait nuancer son propos et n’oppose pas les bons Français aux méchants Allemands, mais, bien plutôt, l’humour, l’humanisme et la générosité à la bêtise et à la barbarie. C’est l’épreuve qui, au-delà des postures ostentatoires, révèlera le véritable caractère de chacun. Emprisonnés dans un trou (ô combien symbolique !), leur salut viendra aussi de l’inoubliable Bernt (Bernie Collins) dont le souvenir restera dans notre mémoire de spectateur.
Les acteurs confirmés interprètent – on le ressent – avec plaisir et conviction des personnages tous plus sympathiques les uns que les autres, avec leurs qualités et leurs défauts, au cours de cette plongée dans le passé de la France rurale, à peu près identique en 1944 et en 1958, finement et amoureusement observé par un cinéaste chaleureux.
Le film s’achève, après la fin du retour en arrière, sur le fils de Jacques réconcilié avec son père. Cette scène sert de conclusion au propos central du réalisateur : il est vital que « le devoir de mémoire et la dette d’humanité », soient honorés. Il va de soi que le message est clair : notre époque (l’an 2000) ne peut oublier - elle non plus - ce qu’elle doit au passé. Pour sa part, et malicieusement, Jean Becker a rendu hommage émouvant à son père, Jacques Becker – auteur en 1959 peu avant sa mort– d’un chef-d’œuvre du cinéma français, « Le Trou » d’une part, en situant son film à cette époque ; d’autre part, en installant ses personnages dans un « trou », précisément.
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