Quand un vieux libidineux débarque chez vous un dimanche soir, soi-disant: pour vous faire chier, nul autre que Bertrand Blier peut être derrière la camera. Principal enrichissement à sa pièce éponyme, Blier renoue avec la narration absurde et esthétique de Buffet Froid, ici grâce aux transferts spatiaux et aux immixtions des personnages dans les récits de leurs interlocuteurs. Avec ses côtelettes, il nous livre une œuvre qui allie la trash poésie qui lui est si propre à l'évocation de sujets aussi dérangeants que la mort, le désenchantement du vieillard, les femmes maltraitées, le proxénétisme... mais ceci sans jamais glisser dans la mignarde sensiblerie et, surtout, sans jamais délaisser cet humour incisif qui fait son charme depuis les Valseuses.
Ainsi, pendant une heure et demie, vous parviendrez à reconnaître un gros con de droite d'un gros con de gauche à sa manière de récurer les chiottes, vous saurez différencier un pédé d'un homosexuel et vous apprendrez à fourrer la Mort en levrette afin de faire danser les paraplégiques. De plus, vous enrichirez votre collection de répliques acérées: "J'ai une prostate de communion"; "Soixante ans, c'est l'arrivée en haut du col juste avant d'attaquer la descente"; "La Mort, ça se mérite!"; " - Vous avez buté l'arabe. - On ne dit pas un arabe, on dit un maghrébin! - Pour moi, la femme est maghrébine et l'homme est un arabe. - Vous, vous êtes vraiment de droite!".
L'interprétation, quant à elle, se montre irréprochable. Bouquet et Noiret, illégitimement absents du précédent Blier (les Acteurs) révèlent une facilité déconcertante à maîtriser la prose si particulière de l'auteur. Catherine Hiegel est, comme à son habitude, remarquable dans le rôle d'une Mort désabusée, tandis que chaque "second rôle" nous offre, sans exception, un jeu à la fois sobre et crédible
Bref, 90 minutes de pur bonheur que l'on ne se lasse pas de visionner encore et encore et ce, même si l'on doit admettre que dernière demi-heure demeure quelque peu décevante.
Dernier indice attestant la qualité de l'œuvre, Les Échos et Patrice Chereau ont détesté.
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