Tout d’abord il convient de se poser une question : « 28 Jours Plus Tard » a souvent été présenté comme étant un nouveau film de zombies, mais est-ce bien le cas ? A mon sens non. Un zombie par définition est un vivant qui meurt, qui va en enfer, qui se rend compte que même là-bas le prix de l’immobilier a atteint des niveaux prohibitifs à cause d’une forte demande et qui revient donc sur terre pour déloger les vivants. Or dans « 28 Jours… » il s’agit d’individus qui après une morsure ou l’ingestion de sang contaminé par un virus développé en laboratoire se transforment immédiatement en fous furieux dotés de jolis yeux rouges qui ne pensent qu’à une chose : partager leur rage de vivre avec leurs voisins ! D’ailleurs on remarquera que dans le film il n’est jamais question de « zombies » ou de « morts-vivants », mais plus simplement de « contaminés ».
A contrario on pourra trouver ci et là quelques références ( ?) aux films de Romero : le supermarché (Zombie. Admettons), la base militaire et le « presque zombie » qu’on attache pour tenter de l’étudier (Le Jour des Morts-vivants. Pourquoi pas…).
Film de zombies ou pas il m’a laissé un sentiment très mitigé, car l’œuvre de Danny Boyle que l’on ne s’attendait pas forcément à voir traiter un tel sujet oscille entre le meilleur et le pire.
Commençons par le meilleur. On le trouvera essentiellement dans la première partie du film. L’entrée en matière est parfaitement réussie : quelques vidéos de la folie humaine, quelques singes contaminés qui infectent des hommes venus les délivrer, des hommes qui contaminent d’autres hommes. La panique. Le chaos. La fin de l’humanité.
C’est dans ce contexte angoissant que se réveille Jim (Cillian Murphy), coursier de son métier, après 28 jours de coma (une voiture l’a renversé). L’hôpital est désert, ainsi que ses alentours. Londres elle-même est une ville morte et les plans montrant Jim errer dans les rues de cette capitale fantôme sont il faut bien le dire stupéfiants et font véritablement froid dans le dos. Une vision de cauchemar (encore que lorsque j’ai le nez écrasé contre la vitre du métro bondé cette vision relève du fantasme…). Un bus renversé, des voitures abandonnées, des photos de disparus collées sur les murs, des messages alarmistes griffonnées à la va-vite, des premières pages de journaux apocalyptiques, voilà de quoi donner des sueurs froides à notre homme et on se demande alors de quelle façon nous réagirions à sa place. On pourra cependant s’interroger sur l’absence totale de cadavres dans les rues londoniennes car Londres est une ville tout de même plus importante en terme de population que le village de St-Quentin-la-Poterie et cette absence, si elle produit son petit effet, n’est pas très crédible.
Lorsque les premiers contaminés font leur apparition le cauchemar de Jim prend une autre tournure car certes il réalise qu’il n’est pas seul au monde mais il comprend rapidement également que cette présence n’a rien de rassurant. Les contaminés qui voient en lui de la chair fraîche de premier choix, car devenue rare, lui courent après, et ils courent vite les bougres ! D’ailleurs cette fureur dans les apparitions des contaminés couplée à l’utilisation du DV et à des effets d’accélération est pour beaucoup dans le stress alors ressenti. Bref le climat oppressant est là, renforcé par un style visuel et une bande-son qui sied bien au sujet. On se dit alors qu’on tient là un grand film de genre, d’autant plus que l’interprétation est plus que convaincante, que Danny Boyle nous épargne tout personnage de beau gosse caricatural jamais décoiffé ou de bimbo décervelée, qu’il nous gratifie de quelques scènes marquantes (la découverte des parents de Jim, la mort d’un des survivants au début du film, tué très brutalement par un de ses compagnons parce qu’il a été mordu par un contaminé et qu’il constitue donc désormais un danger). Seulement voilà, c’est bien connu l’Enfer est pavé de bonnes intentions…
Après que Jim ait rencontré une poignée de survivants, notre petite équipe décide de quitter Londres afin d’aller à la rencontre d’un hypothétique groupe de survivants situé du côté de Manchester. Dommage, le cadre de la Capitale anglaise avait ses atouts. C’est ainsi que nous nous retrouvons en pleine campagne anglaise, ses paysages bucoliques, sa tranquillité reposante. Le danger semble s’éloigner. Fini le climat oppressant ! Au passage là encore on pourra s’interroger sur la crédibilité de certains plans, comme celui d’une autoroute totalement vide, vierge de toute carcasse de voiture abandonnée, de tout corps. Quand on imagine la panique qui a dû se déverser 28 jours plus tôt, on a du mal à croire qu’il n’y ait pas plus de stigmates du chaos immense qui a pu en résulter. Bref le doute s’installe. Où nous emmène Danny Boyle ? Dans un camp militaire retranché ! Et là soyons clairs Danny Boyle se trompe de chemin. A partir de ce moment le soufflé retombe, l’intérêt se dilue, la déception s’installe.
Alors que l’humanité n’est plus qu’un souvenir, que les non contaminés sont à deux doigts de n’être plus qu’une légende, le réalisateur décide de nous montrer, à travers les traits de militaires qui ressemblent plus à des miliciens sans foi ni loi, que décidément l’homme est un loup pour l’homme. En effet notre petit groupe de survivants pense dans un premier temps trouver refuge au milieu de ces soldats de sa Royale Majesté, sauf que ces derniers sont dotés d’une morale plus que douteuse puisque dans les deux femmes (dont une mineure) qui vont les rejoindre ils ne vont voir que des objets sexuels, et dans le meilleur des cas, des femelles reproductrices. Ah d’accord… Là on en arrive presque à oublier les contaminés qui pourtant rôdent dans les parages pour subir une succession de portraits en uniforme tous plus crétins les uns que les autres. Ils ne sont plus qu’une petite dizaine de corps sains (pour l’esprit c’est une autre histoire) et il faut encore qu’ils s’entretuent ! Il n’était pas nécessaire d’aller aussi loin pour nous démontrer l’étendue de la connerie humaine… On pourra toujours dire que ces militaires sont dépassés par les évènements, ce qui peut se comprendre, qu’ils n’ont plus les idées claires, la mayonnaise ne prend pas et l’espoir qu’a laissé naître le début du film se transforme définitivement en déception.
On pourra tout de même reconnaître que cet épisode permet d’observer une évolution psychologique forte de Jim, qui du personnage fragile et désemparé se transformera en individu à la violence exacerbée rendue nécessaire par sa propre volonté de survie, à tel point que durant un long instant une non contaminée l’observera dans la pénombre d’une pièce, alors qu’il fait passer un sale quart d’heure à un militaire, en se demandant si le virus l’a finalement atteint lui aussi, et il faudra qu’elle voit ses yeux encore clairs pour se convaincre du contraire. Mais c’est le seul réel intérêt que j’ai vu.
Alors que la tension allait crescendo dans « L’Armée des Morts » de Zack Snyder jusqu’à un final effrayant, ici elle retombe au fur et à mesure que l’histoire avance et le film finit de se casser la figure avec un épilogue que je qualifierai de niais.
Car la dégringolade ne s’arrête pas là, et ce que je n’osais imaginer dans un tel film a malheureusement bien lieu. Un happy end ! Manque de courage du réalisateur ? Danny Boyle a-t-il été contraint et forcé de nous servir cette fin cul-cul la praline pour plaire au plus grand nombre ? Quand on fait ce genre de film, plaire au plus grand nombre ne doit pas être une priorité. Ou alors on intègre les Studios Disney et on raconte des histoires d’animaux qui parlent. Avec une oeuvre aussi noire ce « coucou on est là youpi on est sauvés ! » a du mal à passer. C’est d’autant plus regrettable que visiblement le cinéaste avait songé à une autre fin (elle est disponible dans les bonus) qui aurait eu un tout autre impact, le film se serait achevé là où il aurait commencé, des yeux se seraient fermés là où ils se seraient ouverts 28 jours plus tôt, bref la boucle aurait été bouclée. Rageant !
Ce film n’est donc pas dénué de qualités, et s’il n’avait duré que 60 minutes je l’aurais porté aux nues (mais il aurait alors fallu parler de court métrage), seulement une partie finale peu inspirée et un intérêt qui s’étiole au fil du temps font oublier un début pourtant très prometteur. Dommage.
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