A travers l'histoire d'un mauvais père de famille contraint d'assumer sa progéniture suite à une invasion extra-terrestre, Steven Spielberg ausculte les traumatismes post-11 septembre. Sans doute plus encore que l'original de 1954, térrifié par l'idée d'un conflit nucléaire USA/URSS, ce remake propose une réflexion sur l'état de la planète. Avec une science du cadre et de l'enchaînement des plans qui n'appartient qu'à lui, couplée à une intelligence sans équivalent dans l'utilisation des effets spéciaux(la première apparition d'un tripode), Spielberg emballe une térrifiante odyssée. Mais le barbu génial n'est pas politologue, à peine pamphlètaire, plus sûrement humaniste : si son film invite à réfléchir, il ne prêche pour aucune paroisse. Sinon, in extremis, pour une croyance déiste, dans un épilogue conforme au bouquin d'H.G. Wells. Un film qui sonne le glas de l'innocence et des grandes espérances dans le fracas du plus furieux blockbuster et du plus crépusculaire jamais réalisé. L'humain y est balloté au gré d'une attaque d'extraterrestre surgissant des entrailles de la terre, vaporisé ou vampirisé jusqu'au trognon, flottant par dizaines sur un cours d'eau étrangement calme. Menacé par son voisin même, l'Homme, nous disent les images, est une espéce menacée d'extinction. Le multicultularisme grandissant ne devrait-il pas atténuer les méfiances, et non les éxacerber? Une catastrophe annonce-t-elle forcément une réconciliation? Le film pose les questions, mais n'offre pas de réponses. Tout le mérite en revient à un auteur qui renvoie chacun à ses responsabilités face à ce globe qui délire. Dégraissé des clichés inhérents à ce type de cinéma, "la guerre des mondes" est le prototype nouveau genre d'un film-monstre, branché sur l'univers, les gens et la mort. A peine malmené par un duo d'acteurs qu'on a connu moins crispants (Tom Cruise paniqué et Dakota Fanning à baffer), une séquence interminable de cave en doublon ( intrusion du vaisseau, puis des extraterrestres) et un happy-end à double détente (idéologie familiale à la Spielberg + discours ampoulé de M. Freeman), "la guerre des mondes" impose sans forçer sa virtuosité exceptionnelle et son imagerie-choc. Le gentil E.T. est définitivement rentré à la maison : l'ennemi est à l'intérieur et même en nous. Steven Spielberg est devenu un adulte. Définitivement.
|