C'est par "Le Tombeau des Lucioles" que j'ai découvert les films d'animation des studios Ghibli. Et ce fut un choc! Même si, c'est indéniable, il y a de bons Disney (surtout les 1ers, les productions actuelles sont + fades), l'animation japonaise, incroyablement diversifiée (drames, S.-F., fantastique, comédie, ...), montre une constance impressionnante dans la qualité de ses longs-métrages. "Le Château dans le Ciel" n'échappe pas à cette caractéristique: c'est une merveille.
Comme à son habitude, Hayao Miyazaki nous offre une oeuvre empreinte de poésie, de mystère et d'émotion où la réalité côtoie en permanence l'imaginaire, avec une inventivité sans borne. On croirait les vaisseaux tout droit sortis de l'atelier de Léonard de Vinci ou d'un livre de Jules Verne. On est d'ailleurs frappé par le mélange de modernité (les robots perfectionnés avec laser, les navettes à réacteurs, la base de Laputa, ...) et d'ancienneté (les vaisseaux à hélices, les voitures d'antan, les trains à vapeur, ...). L'époque où se déroule l'histoire est un croisement entre le début du XXème siècle, aujourd'hui et demain; le tout matiné de fantastique (le médaillon et les formules magiques, ...).
Comme dans "Le Voyage de Chihiro et "Le Château Ambulant", c'est une jeune fille qui est l'héroïne (même si dans le dernier elle est changée en grand-mère). Sheeta se retrouve face à un monde qui lui est inconnu: un médaillon et une cité mystérieux (Chihiro et la ville fantôme, Sophie et le château ambulant). Elle est entraînée malgré elle dans une aventure périlleuse et doit résoudre une énigme: où se trouve Laputa? (rendre leur apparence humaine à ses parents pour Chihiro, retrouver sa jeunesse pour Sophie). Elle devra affronter des ennemis comme l'ambigu Muska (Yubaba, et la magicienne pour les 2 autres films). Mais il y a toujours un personnage pour leur venir en aide: le jeune Pazu (Haku qui a perdu son nom, le beau magicien Hauru). Miyazaki aime aussi ajouter des personnages hauts en couleurs qui sont de faux méchants et qui apportent l'humour du film: les fameux pirates maladroits dirigés par leur mère, vieille femme forte et bourrue mais qui n'a finalement pas mauvais fond (on retrouve un peu ce personnage dans "Le V. de C." et "Le C. A." au travers de la soeur de Yubaba et la vieille sorcière).
Mais le réalisateur ne se contente pas de soigner la forme; il apporte aussi le fond: on retrouve l'idée de l'enfance, période d'innocence, de pureté dans les pensées; parfois morose, voire malheureuse: le père de Pazu est mort de ne pas avoir été cru lors de sa découverte de Laputa. Il est orphelin comme Sheeta, qui est en plus captive des "lunettes noires". Le film serait une ode au rêve et à l'espoir permettant aux enfants de s'évader d'une réalité parfois maussade; cette capacité de rêver que certains adultes ont tendance à perdre où à occulter volontairement. Le personnage de Muska, fourbe (le mal vient de là où on ne l'attend pas), machiavélique, représente peut-être un monde de profit personnel, d'égoïsme, de mégalomanie voire les dictaures (comme dans "Le C.A.", il y a une critique de la guerre). La nature, thème également cher à l'auteur, son exploitation et sa destruction, est omniprésente: les mineurs qui exploitent le sous-sol pour vivre, l'océan en dessous de l'île volante, l'arbre gigantesque du château, les navettes sortes de libellules mécaniques, ... Là aussi Muska représente le mépris pour la nature (symboliquement, il arrache les racines pour atteindre le coeur de la forteresse et par là même le pouvoir), les enfants plutôt sa défense (ils vivent +/- en communion avec elle: Sheeta était paysanne, Pazu vivait du minerai et nourrit des colombes). L'arbre aura d'ailleurs un grand rôle dans une fin comme toujours heureuse et pleine d'espoir incarné par les enfants dont les aventures étaient peut-être le signe de l'adolescence, perte de la naiveté et passage à l'âge adulte, adultes responsables.
Après avoir vu "Le Château Ambulant" (très bon) et "Le Voyage de Chihiro" (pour moi, encore meilleur), je ne pensais pas que "Le Château dans le Ciel" me procurerait encore plus de plaisir. Me reste à découvrir avec envie "Princesse Mononoké", autre grand classique de Miyazaki, réalisateur qui est bien comme certains de ses héros: un magicien pour les petits et grands enfants.
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