Après l'excellent "Tout sur mère", Pedro Almodovar explore, dans "Parle avec elle", cette zone inconnue entre la vie et la mort : le coma. Comme souvent le cinéaste espagnol réalise un grand film d'un humour et d'une douceur hors du commun.
Que ceux qui redoutent une oeuvre sinistre se rassurent, Pedro Almodovar refuse avec une élégance de tous les instants la pleurnicherie et le sentimentalisme complaisant. L'émotion, bien sûr, n'en est que plus forte...
Dans la veine mélodramatique, veine qui ne supporte évidemment pas la médiocrité, "Parle avec elle" va plus loin encore que "Tout sur ma mère". Dans "Tout sur ma mère", une femme au bout du rouleau tentait de survivre au décès de son fils. Tandis que dans "Parle avec elle", le cinéaste plante sa caméra dans des zones encore plus sombres et indécises : littéralement entre la vie et la mort. Le film baigne dans une atmosphére doucereuse, ouatée. La mise en scéne, curieusement sereine, effleure les visages, les corps, ne brusque jamais le doux murmure de la fiction.
Almodovar ne se contente pas de mettre en scéne le dialogue improbable entre ses deux héros pâlots et leurs compagnes mal en point, il bouscule la chronologie, multiplie les flash-back qui progressivement révèlent les épisodes passés de l'existence des quatres personnages. La fantaisie est présente, comme toujours dans l'oeuvre d'Almodovar. Et l'humour bien évidemment. Ici, il frappe d'autant plus fort, qu'il surgit au moment où on l'attend le moins, éclairant d'une lumière imprévue le questionnement identitaire à l'oeuvre dans le film.
Pedro Almodovar a mis en scéne un grand film doux-amer qui scrute la douleur de l'âme avec une lucidité et un humour hors du commun. Un pur chef-d'oeuvre.
|