Après «AI», ce nouveau film de Spielberg utilise le genre de la science-fiction à partir de l’œuvre de Philip K. Dick.
En 2054, la ville de Washington a développé un nouveau service sécuritaire, «Précrime», particulièrement efficace puisque depuis six années aucun homicide n’a été constaté. Il s’agit d’utiliser les dons d’êtres mutants, les Précogs, immergés dans une sorte d’aquarium, qui sont capables d’anticiper sur de futurs meurtres dont ils vivent le déroulement. Leurs visions, recueillies sur écran, doivent être interprétées par l’inspecteur John Anderton (Tom Cruise), ce qui lui permet d’intervenir immédiatement avant qu’ils ne soient commis.
Cette présentation nous vaut une saisissante séquence initiale nous faisant passer sans transition des images projetées sur l’écran des policiers par les Précogs à la scène réelle vécue par les protagonistes du crime en train de se perpétrer et à l’intervention violente du service de John Anderton. On l’aura compris, Spielberg pose d’emblée le problème des rapports entre image de la réalité et réalité, entre réel et illusion, entre réel et cinéma.
Il semble même se demander si cette méthode de prévention de la criminalité n’est pas sans danger ni risque de manipulation. En effet, tôt dans le film, Anderton découvre qu’il est le prochain tueur présumé et, retournement total du scénario, c’est le chasseur qui se retrouve alors pris en chasse par ses propres coéquipiers !
Aidé de Agatha, une Précog, l’inspecteur déchu va démonter, au prix de nombreuses mésaventures, le complot ourdi contre lui.
Outre un récit toujours imprévu et haletant, Spielberg propose des décors de science-fiction véritablement insolites et inventifs, qui piquent la curiosité et suscitent l’admiration. Il affiche aussi dans la mise en scène une technique insolente d’aisance et de talent : il suffit d’évoquer la scène du Centre commercial (et la suite immédiate dans la rue) où, insistant sur ce thème des rapports entre réel et illusion, il nous propose deux plans qui succèdent aux plans précédents rigoureusement identiques, à deux détails près (un bouquet de ballons interfère et un parapluie se déploie) qui « effacent », le temps d’un regard, Anderton et Agatha aux yeux de leur poursuivants et permettent leur fuite. Du très grand art !
Il faut préciser enfin que leur démarche commune les conduit dans leur passé –thème récurrent chez Spielberg- dont John et Agatha sont les victimes. S’épaulant l’un l’autre pour mieux le comprendre, ils en tireront la force de vivre.Il faut préciser enfin que leur démarche commune les conduit dans leur passé –thème récurrent chez Spielberg- dont John et Agatha sont les victimes. S’épaulant l’un l’autre pour mieux le comprendre, ils en tireront la force de vivre. Spielberg ira même jusqu’à fusionner ses deux personnages en une scène saisissante, sans doute symbolique : ne faut-il pas voir une signification autobiographique dans cette parfaite union entre celui qui réalise (Anderton/Spielberg) et celle qui voit clair (Agatha/Spielberg), allusion au renouveau évident de Spielberg (alliant désormais réalisation et inspiration), qui lui fait enchaîner de grands films depuis « Il faut sauver le soldat Ryan » et « AI » ?
En définitive, Spielberg signe un film de grande qualité qui satisfait avec bonheur à la fois notre goût du spectacle et notre besoin de réflexion grâce à une mise en scène inventive et d’une rare richesse visuelle.
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